J'adore l'euro, dans 20-30 mois y'en aura plus

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Cet article n'a pas pour but de montrer que l'euro va disparaître, puisqu'il est déjà mort, et ce, depuis sa naissance.

Il vise à expliquer les conséquences des politiques de dévaluations internes, elles même induites par un régime de change fixe.

La phrase ci-dessus ne doit pas vous rebuter. Je vais m'employer à expliquer les concepts économiques en essayant d'utiliser un langage compréhensible par tous.

Afin d'éviter d'interminables digressions, certains concepts sont suffixés d'un astérisque. Ils sont présentés brièvement dans le glossaire.

Qu'est-ce que l'euro ?

Puisque c'est le sujet de cet article, il serait bien de commencer par présenter de quoi on parle d'un point de vue technique.

L'euro n'est pas uniquement "le truc avec lequel on paie". C'est un agrégat de 19 monnaies nationales qui ont toutes le même nom et qui s'échangent toute à un taux de 1 pour 1. C'est-à-dire qu'il existe 1€ français = 1€ allemand = 1€ grec...

Comme ces monnaies euros sont différentes, on tient les comptes du sens de circulation des euros. Ceux-ci sont synthétisés au sein du schéma ci-dessous.

Ce graphique se lit de la manière suivante. Un pays qui voit plus d'euros entrer que sortir aura une courbe au-dessus de zéro. Ce système mesure juste les euros qui passent "la frontière".

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À retenir :

  • Nous avons toujours nos monnaies nationales
  • Beaucoup d'argent part d'Espagne et d'Italie
  • Beaucoup d'argent arrive en Allemagne

À quoi sert un taux de change ?

Gille, de la chaîne Heu?reka a expliqué la théorie derrière la nécessité des différentes monnaies.

Je vais présenter un exemple en complément de la vidéo. Je n'aurai pas la prétention de couvrir l'intégralité des cas concernant les échanges commerciaux entre différents pays. Je veux mettre en évidence de manière simple, l'impact que peux avoir le taux de change dans ces échanges.

Prenons l'exemple d'une entreprise allemande et d'une entreprise française se font concurrence sur le terrible marché du pantalon.

On va admettre que la productivité et les coûts relatifs à la production sont à l'avantage de l'Allemagne, car leur outil de production est meilleur. On admet aussi que la qualité des pantalons produits est équivalente. Dernier point, la fiscalité des entreprises allemandes est plus avantageuse.

| Coûts par unité \ Pays | France | Allemagne | | :--------------------- | :------------- | :-------------- | | Coût de production | 50€ | 45€ | | Salaire | 5€ | 5€ | | Cotisations sociales | 5€ * 40% = 2€ | 5€ * 20% = 1 € | | Marges | 10€ | 10€ | | Prix total | 67€ | 61€ |

Dans ce cas de figure, le consommateur se tournera vers le produit allemand, car celui-ci est équivalent et moins cher.

L'entreprise française dispose de plusieurs solutions pour baisser son coût :

  • optimiser le coût de production, plus facile à dire qu'à faire et nécessite un investissement
  • baisser les salaires
  • demander à l'état de réduire les cotisations sociales, ce qui implique de baisser le budget des services publics (l’hôpital par exemple)
  • réduire ses marges, cette solution est risquée pour l'entreprise à long terme, car elle limite sa capacité d'investissement futur comparé à son conccurent

Avant l'euro, 1 Mark valait environ 3 Francs. Si on fait la conversion le pantalon français coûterait 67 Francs et le pantalon allemand 61 * 3 = 183 Francs. Et donc le consommateur achèterait un pantalon français.

Le taux de change est une solution pour ajuster le prix des produits et services.

Mon exemple à beau être une simplification, il n'en demeure pas moins que la fixation du taux de change a transformé l'Allemagne en champion du monde de l’exportation.

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Le fait qu'ils soient devenus très exportateur signifie par la même occasion qu'ils ont capté le marché des entreprises des pays environnants.

À retenir :

  • Dans un régime de change fixe, le prix de la monnaie n'est plus une variable d'ajustement. Les entreprises doivent donc baisser les salaires ou l'état doit baisser les cotisations sociales et in fine la qualité des services publics. Le fait de répercuter la fixation du taux de change sur les autres acteurs de l'économie s'appelle la dévaluation interne.

  • Les pays dont les lois sont avantageuses pour les entreprises siphonnent les marchés des entreprises des pays voisins.

Brève histoire

Maintenant que nous avons découvert les concepts techniques derrière les taux de changes, nous allons voir l'impact que cela peut avoir en politique.

Avant l'euro

En 1979, le président Giscard d'Estaing et le président Helmut Shmidt créent le SME (Système Monétaire Européen). Un de ses objectifs est d'éviter que le taux de change des monnaies varie trop.

À la suite de cette création, le ministre des Finances Jacque Delors, supprime l’échelle mobile des salaires* en 1982. Dans la même période il entame la politique dites du Franc fort visant à coller les parités du Franc et du Mark. Elle sera maintenue jusqu'à ce que le SME s'écroule suite aux attaques des spéculateurs.

Le SME était le prélude à la création de l'euro et Jacques Delors annonçait : "L'euro nous apportera la paix, la prospérité, la compétitivité et, rien que pour la France, il se traduira par la création d'un million d'emplois".

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Déjà avant l'euro, on pouvait constater la dualité suivante. Si vous manipulez le taux de change alors les salaires seront impactés.

Époque contemporaine

Faisons un bond dans le temps jusqu'en 2012. Après la crise des subprimes, nombreux sont ceux à s'interroger sur la fin possible de l'euro.

Mario Draghi alors président de la BCE a prononcé un discours visant à rassurer un peu tout le monde. "La BCE fera le nécessaire pour sauver l'euro, et ce, quoi qu'il en coute". Le fameux "Whatever it takes" (en collaboration avec Imagine Dragons).

Mario Draghi a annoncé vouloir sauver l'euro. Il veut sauver un outil, ce qui n'est en rien obligatoire. Sauver cette monnaie implique de faire des choix, qui ont des impacts sur les citoyens. Lorsqu'une Banque Centrale annonce qu'elle n'a plus de limite, cela veut dire que les citoyens vont payer pour maintenir un système sous assistance respiratoire.

Les impacts possibles ont été évoqués par Christine Lagarde.

L'euro sera maintenu sous assistance respiratoire grâce à l'argent qui sera prélevé directement sur les comptes épargnes de plus de 100k€. Oui, bande d'épargnants, l'argent n'a pas été créé pour dormir sur des comptes ! Ça les Chypriotes le savent. La limite des 100k semble théorique si l'on en croit les récentes annonces.

La création de l'euro

Afin de faire une critique la plus juste possible, il convient de comprendre comment les créateurs de l'euro ont pensé leur création.

Si les techniciens de la monnaie qui l'ont créé savaient que cela ne fonctionnerait pas, c'est précisément pour les raisons évoquées dans les parties précédentes. Sans harmonisation légale, les pays dont les lois sont plus avantageuses vont siphonner l'activité des voisins. Sans mécanisme de redistribution, cela entraînera des déséquilibres au sein de la zone, et lorsque ces déséquilibres seront devenus insoutenables la monnaie explosera.

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C'est pour cela que je qualifie l'euro de mort-né en introduction, les créateurs eux-mêmes savent que cet outil va disparaître.

A retenir :

  • Du SME à l'euro, les techniciens de la monnaie savent qu'il ne peut y avoir de manipulation des taux de change sans contreparties.

  • La volonté des politiques monétaire vise à préserver l'outil euro. C'est un choix politique et non une obligation. La sauvegarde de cet outil est payée par les citoyens.

Le coût de l'euro pour la France

Jusqu'ici, j'ai présenté le concept théorique ainsi que leur mise en application durant l'histoire. La question étant : "À combien s'élève la facture ?".

Sur la période 1999-2017, il est estimé que l'euro aurait fait perdre 56000€ à chaque Français... Aux 66 millions de Français.

Le FMI, un groupe de recherche européen, le CMI, tous parviennent à cette conclusion que l'euro a été source de déséquilibre au sein de la zone euro.

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⚠ Cela ne signifie pas que chacun aurait eu 56k€ en plus sur ses comptes en banque. Une partie de cet argent aurait pu permettre de maintenir un système de santé décent ou de soutenir les entrepreneurs.

Le cas italien

L'Italie est le pays le plus proche d'une sortie de l'euro et de l'UE, son cas est donc intéressant à étudier.

Jusqu'ici tout va très mal...

La France n'est pas le seul pays à payer la facture. Pour les Italiens ces pertes sont estimées à 70k€/habitant.

Le fait d'être la 3e économie de la zone euro n'empêche pas l'Italie d'être considéré comme l'un des PIGS*. Le problème étant que ce mépris qu'on les pays du nord a son égard est lié à une mauvaise structure de l'outil qui nous sert de monnaie plutôt qu'a une mauvaise volonté de leur part.

Une métaphore pour décrire la monnaie est de la présenter comme le sang d'une économie. En filant la métaphore, on peut considérer que l'Italie s'est vu retirer 1L de sang et en plus de cela, on lui reproche de ne pas courir assez vite lors du marathon.

Sur le 1er graphique que j'ai présenté, j'ai dit que beaucoup de monnaie quittait l'Italie. C'est un fait, l'Italie est le pays qui voit le plus de monnaie disparaître de son pays. La monnaie qui quitte le pays ne peut pas être utilisée pour soutenir les créateurs d'entreprises ni les infrastructures publiques.

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L'économie ce n'est pas juste parler de PIB, de dette, de chômage... il faut garder à l'esprit que cela a un impact direct sur nos vies.

Il apparaît sensé que les effondrements de ponts sur les dernières années soient liées aux coupes budgétaires en terme d'infrastructures et qu'il sont probablement issus des déséquilibres lié à l'euro. En 2016 vers Milan, en 2017 près d'Ancone, en 2018 à Gênes, ou encore le 8 avril dernier.

Et le COVID n'arrange rien

L'Italie a été un des pays les plus touché par le COVID-19. Hôpitaux saturés, personnel soignant sous l'eau, appelant à l'aide une UE faisant la sourde oreille.

Cette crise est révélatrice que la "solidarité européenne" n'existe pas. S'il n'était pas nécessaire d'utiliser l'UE comme intermédiaire, il est regrettable que les pays membres ne soient pas intervenu de leur propre chef. Il aura fallu attendre l'intervention de la Russie, de Cuba et du Venezuela.

Le ressentiment italien à l'égard de l'UE grimpe. Les citoyens commencent à brûler le drapeau étoilé.

Ce comportement est appuyé par le 1er ministre italien Giuseppe Conte qui dit "à une Europe morte d'aller se faire foutre".

Cela fait déjà plusieurs années que l'Italie est un candidat sérieux à la sortie de l'UE. Si cela devait arriver, elle pourrait au choix :

  • Invoquer l'article 50, comme ont pu le faire les Britanniques
  • Inonder l'économie italienne de Minibots* afin de sortir en douceur de l'euro, puis, a terme de l'UE.

Si une sortie de l'Italie est envisageable, le pays suivant pourrait être l'Espagne qui depuis le BREXIT est devenue contributeur net*.

À retenir :

  • Les déséquilibres économiques en zone euro sont générateurs de tensions politiques (#PIGS).

  • L'UE étant qu'une union monétaire et législative, elle n'est pas parvenue à faire face à la crise.

  • L'Italie est un candidat sérieux pour à la sortie de l'UE.

L'euro peut-il fonctionner ?

J'ai jusqu'ici évoqué les aspects négatifs de l'euro. Afin d'être le plus complet possible, il faut admettre qu'il fonctionne dans certains cas.

  • en vacances, il n'y a pas besoin de changer ses devises
  • le risque de change lié aux investissements interétatiques disparaît

La bonne question serait plutôt : Pour qui l'euro fonctionne ?
La réponse étant : "Il fonctionne si vous êtes un touriste ou un financier". À mon sens, cela ne constitue pas un argument de poids si on prend en compte les déséquilibres qu'il engendre.

Une monnaie est un outil. Il n'y a pas de bien ou de mal, juste des choix politiques à faire pour que cet outil fonctionne. On peut choisir d'entretenir la parité entre économies divergentes, mais en contrepartie, il faut uniformiser la législation et créer des mécanismes de redistribution pour ré-injecter l'argent capté dans les pays les plus compétitifs dans les pays comme l'Italie ou l'Espagne...

Dis autrement, l'euro peut fonctionner, si on prend tous allemand en LV1 et que l'on troque le Saint-Emillion contre de la bière. On ne peut pas avoir le beurre, l'argent de beurre et la crémière. ( ͡° ͜ʖ ͡°)

Conclusion

L'euro est un agrégat de 19 monnaies nationales ayant un taux de change fixe. Fixer le change contraint les états les moins compétitifs à mettre en œuvre des politiques de dévaluation interne. Étant donné que nous avons toujours nos monnaies nationales, l'euro est un phénomène réversible.

De par sa structure, il entraine l'appauvrissement de certains pays. Il est antinomique de prétendre défendre l'euro et les services publics ou l'euro et les entreprises françaises.

Les 20-30 mois annoncé dans le titre n'ont rien de prémonitoire, ils sont juste une référence à JCVD. La volonté politique actuelle est paradoxale, car elle vise à préserver un outil qui a été conçu pour disparaître. Et il pourra survivre tant qu'il y aura de l'argent à prélever sur nos comptes et tant que la servitude volontaire sera reine.

Avant que la situation ne s'embrase, je trouve plus intelligent de négocier un divorce à l'amiable. Une telle négociation requerrait du courage et de la volonté. Autant vous dire que par les temps qui courent, nombreux sont les carencés. Parmis eux Bruno Lemaire, le ministre de l'Économie phobique des multiplications et Christine Lagarde la femme responsable mais pas coupable de magouilles.

Selon Milton Friedman, si un choc asymétrique* venait à toucher les différents pays de la zone euro, le système sauterait. La crise de COVID-19 mettra-t-elle un terme à cette monnaie ? Nous verrons.

Merci de m'avoir lu.

Que peut-on regarder après ?

Une synthèse de tout ce que j'ai pu présenter jusqu'ici peut-être résumé par Olivier Berruyer dans cette interview. (1:11:36 - 1:20:11). Vous trouverez ici, l'article qu'il évoque sur Milton Friedman.

Ensuite dépèche toi d'écouter le discours de Philippe Seguin de 1992. L'époque ou un politique était capable de tenir un discours de 2h30 dans un français impeccable. On est loin de Laetitia Avia.

Pour approfondir le système de fonctionnement de l'euro et de l'économie en général vous pouvez consulter ces chaines Youtube.

Grand Angle

Heu?reka

Trouble Fait

Si vous ne savez pas par ou commencer voici mes conseils :

  1. La théorie des avantages comparatifs
  2. La création monétaire
  3. La crise de l'euro et le quantitative easing.

Glossaire

Quantitative easing : Tel qu'il est pratiqué, cela consiste à filer de l'argent magique aux banques afin que le casino puisse continuer de danser.

Choc assymétrique : Une catastrophe touchant un pays "injustement". Tornade, séisme, ou une épidémie qui ferait plus de dégats dans certains pays.

Minibots : Une monnaie parallèle qui viendrait remplacer l'euro. Une fois cette monnaie utilisée sur l'ensemble du territoire, elle changerait de nom et deviendrait la Lire.

PIGS : Portugal, Italy, Greece, Spain. Ce surnom donné par les pays du nord désigne les pays du sud qui sont considérés comme "de mauvais élèves".

Échelle mobile des salaires : Le salaire était indexé sur l'inflation. Tous les mois le salaire changeait afin que le salarié puisse garder un niveau de vie stable. Pour annoncer la fin de ce système Jacques Delors a nommé cela la "désinflation compétitve".

Contributeur net : Donner plus d'argent à l'UE que vous n'en recevez. (C'est le cas de la France ~9 milliards/an).

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Maxime Blanc


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